x
Nous utilisons des cookies pour vous garantir la meilleure expérience sur notre site. Si vous continuez à utiliser ce dernier, nous considérerons que vous acceptez l'utilisation des cookies.
Pour en savoir plus, consultez notre charte.

Baudelaire, Drogue et poésie

« Les hallucinations commencent. Les objets extérieurs prennent des apparences monstrueuses. Ils se révèlent à vous sous des formes inconnues jusque-là. Puis ils se déforment, se transforment, et enfin ils entrent dans votre être, ou bien vous entrez en eux. Les équivoques les plus singulières, les transpositions d’idées les plus inexplicables ont lieu. Les sons ont une couleur, les couleurs ont une musique… Vous êtes assis et vous fumez ; vous croyez être assis dans votre pipe, et c’est vous que votre pipe fume ; c’est vous qui vous exhalez sous la forme de nuages bleuâtres.  Je veux prouver que les chercheurs de paradis font leur enfer, le préparent, le creusent avec un succès dont la prévision les épouvanterait peut-être »

Baudelaire


Indications biographiques

Baudelaire découvre le haschich en 1843, à vingt-deux ans, avec son ami Louis Ménard, un camarade du lycée Louis-Le Grand et futur poète parnassien (Rêveries d’un païen mystique). C’est dans le grenier de l’appartement familial des Ménard, au cinquième étage d’un immeuble cossu de la place de la Sorbonne, que Charles goûte sa première cuillerée de confiture verte. Il en détaille la préparation en 1860 dans l’essai Les Paradis artificiels :

« La plus usitée de ces confitures, le dawamesk, est un mélange d’extrait gras, de sucre et de divers aromates, tels que vanille, cannelle, pistaches, amandes, musc. »

Les seuls résultats tangibles de cette première expérience furent quelques dérangements intestinaux…

Dans Le Poème du haschich, il se décrit pourtant comme un consommateur idéal, « un tempérament à moitié nerveux, à moitié bilieux […] ajoutons un esprit cultivé, exercé aux études de la forme et de la couleur ; un cœur tendre, fatigué par le malheur ».

En mai 1843, Baudelaire s’installe dans un petit appartement, sous les combles de l’hôtel de Lauzun, appelé Hôtel Pimodan. Situé quai d’Anjou, dans l’île Saint-Louis, en face de la rive droite de la Seine, cet immeuble d’apparence austère a été construit en 1650 et aménagé quelques années plus tard par le duc de Lauzun. Depis 1779, il appartient à la famille de Pimodan dont certains membres, dit-on, avaient échappé aux fureurs révolutionnaires en utilisant une porte d’eau secrète qui faisait communiquer directement les souterrains avec le fleuve…

Sa chambre aux murs tendus d’un papier rouge et noir était éclairée par une seule fenêtre « dont les carreaux jusqu’aux pénultièmes exclusivement » étaient dépolis « afin de ne voir que le ciel », disait-il. Le bel étage de l’hôtel était occupé par le peintre Boissard qui recevait dans son salon les membres du célèbre Club des Hachischins, dont Théophile Gautier a raconté les soirées « avec leurs extases, leurs rêves, leurs hallucinations, suivis de si profonds accablements ».
Les « fantasias » du peintre Fernand Boissard de Boisdenier en 1845-1846 sont des soirées à l’hôtel Pimodan, sous le patronage du médecin Jacques-Joseph Moreau de Tours. Ces réunions, au nombre d’une dizaine, ont eu pour thème la dégustation du haschich, très en vogue chez les médecins, et l’étude de ses conséquences.
S’y pressent Honoré Daumier qui resta rebelle au haschich, le romancier Roger de Beauvoir, et Théophile Gautier, qui rapporte, dans La
Revue des deux mondes sous le titre Le Club des Haschichins en 1860 :
« Assurément, les gens qui m’avaient vu partir de chez moi à l’heure où les simples mortels prennent leur nourriture ne se doutaient pas que j’allasse à l’île Saint-Louis, endroit vertueux et patriarcal s’il en fût, consommer un mets étrange qui servait, il y a plusieurs siècles, de moyen d’excitation à un cheik imposteur pour pousser des illuminés à l’assassinat, rien dans ma tenue parfaitement bourgeoise n’eût pu me faire soupçonner de cet excès d’orientalisme, j’avais plutôt l’air d’un neveu qui va dîner chez sa vieille tante que d’un croyant sur le point de goûter les joies du ciel de Mohammed en compagnie de douze Arabes on ne peut plus français. »

Théophile Gautier ne participera pas souvent aux séances, disant que « Après une dizaine d’expériences, nous renonçâmes pour toujours à cette drogue enivrante, non qu’elle nous eût fait mal physiquement, mais le vrai littérateur n’a besoin que de ses rêves naturels, et il n’aime pas que sa pensée subisse l’influence d’un agent quelconque. »

De son côté, Honoré de Balzac passe voir, écoute mais hésite à goûter pour finalement conclure, dans une lettre à Eveline Hanska :

« J’ai résisté au haschich et je n’ai pas éprouvé tous les phénomènes : mon cerveau est si fort qu’il fallait une dose plus forte que celle que j’ai prise. Néanmoins, j’ai entendu des voix célestes et j’ai vu des peintures divines. J’ai descendu pendant vingt ans l’escalier de Pimodan… Mais ce matin, depuis mon réveil, je dors toujours, et je suis sans volonté. »

Dans sa préface aux
Fleurs du mal, Gautier précise que Baudelaire ne « vint que rarement et en simple observateur ». Par la suite, aucune trace d’un nouvel abandon cannabique pour le poète tourmenté. Il est faux, tendancieux et exagéré de placer toute la vie de Baudelaire sous le signe de la drogue. L’opium a servi en priorité de médicament pour combattre les effets douloureux de la syphilis.

Dans la première partie des
Paradis, intitulée « De l’idéal artificiel, le haschich » (d’abord publiée dans la Revue contemporaine en 1858), cette drogue est d’ailleurs plutôt condamnée de manière violente et peu précise. Comme le souligne le biographe Claude Pichois dans les notes des Œuvres complètes : « Le haschich fut pour lui une curiosité exotique, l’opium une habitude tyrannique. »

Le témoignage montre surtout la terreur de l’esprit devant la connaissance de son aliénation momentanée. Le sujet était pourtant à ce point fascinant que Baudelaire devait décrire l’hallucination, en moralisant le tableau par peur du gouffre.

La fiole de laudanum, opium dilué dans l’alcool… Dans « La Chambre double » tirée du « Spleen de Paris » (1861), elle est présentée comme une « vieille et terrible amie ». Elle arrive dès 1847 dans la vie de Baudelaire pour combattre les affres de la dépression et alléger ses douleurs intestinales causées par la syphilis, probablement contractée durant sa relation avec la prostituée Sarah la Louchette vers 1842.

Consommation d’ordre médical, donc. Tout comme celle de Thomas de Quincey, qui souffrait de névralgies faciales aiguës ; la traduction de ses
Confessions d’un Anglais mangeur d’opium (1822) fournira à Baudelaire la deuxième partie des « Paradis artificiels ».

Dans une lettre à sa mère datée du 17 février 1866, Baudelaire indique une consommation maximum de 150 gouttes par jour d’une préparation deux fois plus forte que celle de Quincey, mais l’Anglais en consommait 8 000 gouttes par jour…

L’auteur de « L’Invitation au voyage » fait une nouvelle tentative en 1860, au moment même de la publication intégrale des
Paradis artificiels et sans doute en suivant l’exemple du sevrage de Quincey.

L’ouvrage se révèle moraliste (« Les chercheurs de paradis font leur enfer, le préparent, le creusent avec un succès dont la précision les épouvanterait peut-être »), mais ses visions illuminées suscitent la tentation :

« L’opium agrandit ce qui n’a pas de bornes, allonge l’illimité, approfondit le temps, creuse la volupté et de plaisirs noirs et mornes remplit l’âme au-delà de sa capacité. »

L’opium n’est plus thérapeutique : il devient un puissant adjuvant créatif, par conséquent destiné aux artistes et à eux seulement. On lit alors dans « L’Homme-Dieu » (1860) :

« Pour juger les merveilles de l’opium, il serait absurde d’en référer à un marchand de bœufs ; car celui-ci ne rêvera que bœufs et pâturages. »


EXPOSÉ

(étude systématique de l'œuvre : Fleurs du Mal, Petits poèmes en prose et Paradis artificiels - 13 pages)

Étudier Les Fleurs du Mal c’est forcément se référer aux pages dans lesquelles Baudelaire parle des différentes sortes de drogue : vin, hachisch, opium. D’abord parce qu’il existe des parallélismes évidents entre certains poèmes des Fleurs du Mal et des textes en prose concernant la drogue ; ensuite parce que Baudelaire analyse de la même manière les effets de la drogue et ceux de la poésie. Telles seront les deux premières parties de cet exposé, suivies d’une troisième où nous verrons la différence marquée par le poète entre la drogue et l’ivresse poétique.

Les effets de la drogue

[…]

Parenté de la drogue et de la poésie

[…]

Différence entre drogue et ivresse poétique

[…]

Document complémentaire :
Maurice Nadeau
« Pour bâtir dans la nuit mes féériques palais » (Dernière partie de l’article)
in Baudelaire, Hachette, coll. Génies et réalités, 1961.


pour obtenir le fichier électronique complet de 28 pages en pdf :
Participation de 2,99 euros aux frais d’hébergement du site

Après le règlement, vous recevrez par courriel un lien de téléchargement sécurisé, valable une seule fois et pendant 24 heures.

Si vous utilisez un logiciel antispam, de type "Avast": attention! votre lien de téléchargement risque d'être dirigé vers votre dossier de courrier indésirable. Surveillez celui-ci !