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Voltaire et les négriers



Une rumeur persistante suggère qu’à l’instar de Montesquieu, dont on affirme souvent qu’il aurait trempé dans les trafics d’esclaves (traite atlantique), Voltaire aurait dû sa fortune, pour partie, au même commerce
.


C’est tout à fait faux, cette sinistre calomnie. Trop de gens, ont eu, de tout temps, intérêt à rabaisser Voltaire.



Voltaire a fermement condamné l’esclavagisme. Le texte le plus célèbre est la dénonciation des mutilations de l’esclave de Surinam dans Candide mais son corpus comporte plusieurs autres passages intéressants. Dans le «Commentaire sur l’Esprit des lois» (1777), il félicite Montesquieu d’avoir jeté l’opprobre sur cette odieuse pratique.

Il s’est également enthousiasmé pour la libération de leurs esclaves par les Quakers de Pennsylvanie en 1769.

En compagnie de son avocat et ami Christin, il a lutté lors des dernières années de sa vie pour la libération des « esclaves » du Jura qui constituaient les derniers serfs présents en France et qui, en vertu du privilège de la main-morte, étaient soumis aux moines du chapitre de Saint-Claude (Jura). C’est un des rares combats politiques qu’il ait perdu ; les serfs ne furent affranchis que lors de la Révolution française, dont Voltaire inspira certains des principes.

A tort, on a souvent prétendu que Voltaire s’était enrichi en ayant participé à la traite des Noirs. On invoque à l’appui de cette thèse une lettre qu’il aurait écrite à un négrier de Nantes pour le remercier de lui avoir fait gagner 600 000 livres par ce biais.
Cette lettre est apocryphe. C’est un faux grossier ! Personne n’a jamais pu produire l’original.

Essais sur les mœurs et l’esprit des nations (1756) :
« Nous n’achetons des esclaves domestiques que chez les Nègres ; on nous reproche ce commerce. Un peuple qui trafique de ses enfants est encore plus condamnable que l’acheteur. Ce négoce démontre notre supériorité ; celui qui se donne un maître était né pour en avoir. ».



La fortune de Voltaire




En ce qui concerne notre écrivain, les meilleurs spécialistes actuels sont Christiane Mervaud,
Jacqueline Hellegouarc’h et surtout René Pomeau, avec la
Fondation Voltaire de Cambridge.


Je résume très vite ce que dit, de la fortune de Voltaire, René Pomeau dans sa biographie (Fayard et Cambridge)
C’est dans le tome 1, pages 204 et 286.


La fortune de Voltaire a été créée ex nihilo grâce à deux « coups » extraordinaires.

1. Les procès

En rentrant de son exil en Angleterre, Voltaire a engagé plusieurs procès contre des libraires (= éditeurs) qui avaient fait fortune avec ses
Lettres philosophiques (20000 exemplaires: un raz de marée!)
Il a gagné plusieurs procès et réuni un petit magot.

2. La Loterie

Il engage son argent dans la Loterie (créée en 1728 et 1729). Avec le mathématicien La Contamine, il crée une société, avec des noms fantaisistes et achète tous les billets d’un seul tirage. La Contamine avait calculé qu’un seul tirage (mensuel) rapportait un million.
L’opération était parfaitement légale, je précise
!

3. Les actions de Lorraine

La même année, fin 1729. Se rendant à Nancy auprès du duc de Lorraine, il achète des actions que celui-ci avait le droit d’émettre et les revend rapidement en « triplant son or».

4. L’héritage

En 1730, il reçoit sa part de l’héritage paternel.

Riche, il peut écrire EN LIBERTÉ, et ne plus rien attendre des pensions royales
: c’est cette liberté qu’il a recherchée par l’argent.

5. Les investissements

Il investit dans la vente des blés d’Afrique du Nord vers l’Espagne et l’Italie. Il investit également dans des transactions de Cadix vers l’Amérique espagnole. Les Français vendaient le cacao, le sucre et le tabac de Saint-Domingue contre l’argent et l’or du Pérou et du Mexique. Cadix rapportait plus que Marseille.

6. Les fournitures aux armées

Mais, en 1734, pour s’éviter les dangers de la mer et les faillites des banquiers, Voltaire engage des placements chez les frères Pâris, dans une entreprise de fournitures aux armées
: fourniture de fourrage, puis de drap, puis de ravitaillement des troupes.
Voltaire avait au moins deux hommes d’affaires qui s’occupaient de gérer sa fortune, ce qu’il ne faisait pas directement lui-même.

7. Les prêts

Il a prêté de l’argent au prince de Guise, au duc de Richelieu et à d’autres. C’est un abbé (!) qui était chargé de leur écrire pour réclamer les remboursements…

F. Sgard a évalué les revenus de Voltaire (la « rente» et non le capital…) à 6
400000 francs de 1982 (in Revue Dix-huitième siècle N°14, 1982).


Grâce à cela, Voltaire a été un homme LIBRE.

C’est un génie prodigieux qui a changé les bases idéologiques de son siècle.

Et il n’a JAMAIS été un négrier (ce doit être une calomnie jésuite…).

Faites passer l’information…

Pour en savoir davantage, un article très complet ici, qui fait le
compte-rendu du livre de Jean Ehrard, Lumières et esclavage