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La saga du COS


La grammaire scolaire telle que nous la connaissons, en gros, encore actuellement, s’est élaborée à la fin du XIXe siècle.

Deux éléments à ne pas perdre de vue en préambule
: elle s’est constituée à l’écart des chercheurs, d’une part, et avec pour objectif essentiel l’enseignement de l’orthographe, d’autre part. (voir les travaux d’André Chervel).

Voici ce que l’on peut dire de l’apparition des principales fonctions.


1e épisode:

Au commencement était le sujet, indispensable à l’accord du verbe. On recommande de l’attraper avec la question « 
qui est-ce qui» ou « qu’est-ce qui?"


2e épisode:

Fonction indispensable à l’accord du participe passé avec « avoir », apparaît le « complément direct » car construit sans préposition, ex « régime » du latin.


3e épisode:

Fonction déduite de la précédente, monte sur scène le « complément indirect », avec préposition intercalée.

Les ennuis commencent, avec quelques compléments directs, mais accessoires
: « le boulanger cuit la nuit ». Aïe, on s’en tire comment?

En développant le système pédagogique des questions, sur la lancée de celles qui permettent d’identifier le sujet. On pose « 
qu’est-ce que» ou, mieux, « quoi» pour détecter les compléments directs intéressants, et « quand » pour pêcher les autres.

On se passe sous silence quelques cas embarrassants du type « 
le boulanger cuit du pain » (du = de le? Direct ou indirect? Hum…) ou « elle aime à rire, elle aime à boire… »: va pour direct, dans ce cas? On évite…

On invente alors le concept de transitivité directe, indirecte et d’intransitivité. Et on croit être sauvé. Soit
!


4e épisode :

Autour de « 
quand» qui marche bien, arrivent de nouvelles questions: ? Pourquoi? Comment?

On voit apparaître alors une 4e fonction: complément circonstanciel (temps, lieu, cause, manière).

Cette apparition demande une première refonte des compléments directs et indirects.

Coup de génie et gloire immédiate
: on choisit le terme « objet » et le fameux sigle COD qui associe direct (construction) et objet (sémantique) atteint une célébrité inouïe.

Inutile à l’accord du participe passé, la distinction parallèle entre « circonstanciels directs » (
il cuit la nuit) et « circonstanciels indirects (il cuit pendant la nuit) reste en carafe.

Désormais, à la suite du succès remporté par l’objet et sa question « 
quoi», les grammaires scolaires énumèrent le complément de prix, de poids, de mesure, d’accompagnement, d’instrument, de propos, de moyen, de résultat, de
condition, de conséquence, d’opposition, de comparaison, d’addition (28 dans les 1res éditions du Grévisse
!)

Ne manque que le raton laveur.

Mais deux compléments indirects luttent la nuit dans la tempête.


5e épisode :

Soit « 
Louis offre des fleurs à Anne"
Ciel
! le même verbe aurait-il le pouvoir de régir à la fois un complément direct (des fleurs) et un complément indirect (à Anne)? Impossible! la notion de transitivité se casserait la goule.

La Belgique et la Suisse restent de marbre, sans doute habituées au double accusatif des langues germaniques.

En France on invente le « complément d’attribution » et tant pis si ça va mal pour « 
Louis vole un livre à Anne». Qu’à cela ne tienne! certains osent le « complément de privation».

6e épisode :

Ah, oui, mais autre cas
: dans « un livre est offert à Marie par Arthur »?
Que fait-on d’Arthur quand il perd sa position de sujet
? Un objet? Un circonstanciel?

Un grammairien belge vient à la rescousse en 1889
: ce sera le « complément d’agent». Solution bâtarde.


7e épisode :

Sur ces entrefaites, le sujet, que l’on croyait calme et inamovible comme le bronze, dans son coin, se sent saisi par la débauche. Pour tenir compte de quelques phases météorologiques « 
il pleut des cordes », on invente le sujet apparent et le sujet réel. Peste!


8e épisode :

Voilà qu’une cinquième fonction apparaît pour aussitôt, pour faire des siennes et se la jouer personnel sur le terrain
: l’apostrophe et sa sœur l’apposition, que l’on définit comme « noms suppressibles". Mais on se met à retourner la définition « l’apposition est un nom suppressible », et on obtient « un nom suppressible est une apposition».

Exit l’adjectif… Qui ne peut plus être apposé.


9e épisode :

Dans ce bricolage insensé, on est mal, également, avec les compléments du verbe « être », qui ne déclenchent pas le sacro saint accord du participe passé
: « Louis a été soldat».

On ne mollit pas
: on invente la fonction attribut.


10 épisode :

Ben oui, mais l’adjectif entre alors en piste, alors qu’il était jusque-là à l’abri de la canonnade. Qu’à cela ne tienne
! on en fait également un attribut, comme le nom, après le verbe être, et en consolation, les adjectifs non-attributs reçoivent le statut d’épithète.

En catimini, l’adjectif et le nom attributs sortent de la sphère du verbe.
Gênant, gênant…


11e épisode :
Dans les années 1960-70, on fait un peu le ménage dans les compléments de poids, de prix, de mesure… Et on cherche à faire la peau du complément d’attribution. Il aura la peau dure.

Et comme, depuis le départ, on rechigne à l’idée qu’un même verbe puisse avoir à la fois un complément direct ET un indirect, on invente l’appellation COS (complément d’objet second), le COD devenant dans la foulée le « complément d’objet premier». Pauvres petits élèves.
On admet que certains verbes ont un COD + COS, et que certains plus rares, ont un COI + COS.

Fin provisoire des combats
??? Oh non!

Deux cyclones la même année
:

Premier cataclysme
: en 1996, à 2 mois d’intervalle paraissent :
- la “nouvelle nomenclature grammaticale”, qui fait totalement disparaître le COS ;

- les documents d’accompagnement des programmes de collège qui maintiennent l’existence du COS…

Deuxième cataclysme
: le classement dans les compléments essentiels (distingués des compléments circonstanciels) des « je vais à Paris, j’habite Tours », et autres…

Si vous voulez savoir ce qu’en pensent les chercheurs (qui n’ont jamais été consultés en cette affaire), quelles solutions simples on pourrait mettre en place au quotidien pour nos élèves, quelles solutions hardies seraient possibles (la suppression pure et simple de l’appellation COD, par exemple, l’opposition entre compléments avec ou sans préposition et cette opposition seule — oui, c’est possible
!- la suite au prochain numéro…