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L’expression de la cause


Observation

Zadig en esclavage

On reconnut que Zadig n'était point un assassin; mais il était coupable du sang d'un homme; la loi le condamnait à être esclave. On vendit au profit de la bourgade ses deux chameaux; on distribua aux habitants tout l'or qu'il avait apporté; sa personne fut exposée en vente dans la place publique, ainsi que celle de son compagnon de voyage. Un marchand arabe, nommé Sétoc, y mit l'enchère; mais le valet, plus propre à la fatigue, fut vendu bien plus chèrement que le maître. On ne faisait pas de comparaison entre ces deux hommes. Zadig fut donc esclave subordonné à son valet: on les attacha ensemble avec une chaîne qu'on leur passa aux pieds, et en cet état ils suivirent le marchand arabe dans sa maison. Zadig, en chemin, consolait son domestique et l'exhortait à la patience; mais, selon sa coutume, il faisait des réflexions sur la vie humaine.
« Je vois, lui disait-il, que les malheurs de ma destinée se répandent sur la tienne. Tout m'a tourné jusqu'ici d'une façon bien étrange. J'ai été condamné à l'amende
pour avoir vu passer une chienne; j'ai pensé être empalé pour un griffon; j'ai été envoyé au supplice parce que j'avais fait des vers à la louange du roi; j'ai été sur le point d'être étranglé parce que la reine avait des rubans jaunes; et me voici esclave avec toi parce qu'un brutal a battu sa maîtresse. Allons, ne perdons point courage; tout ceci finira peut-être; il faut bien que les marchands arabes aient des esclaves; et pourquoi ne le serais-je pas comme un autre, puisque je suis un homme comme un autre? Ce marchand ne sera pas impitoyable; il faut qu'il traite bien ses esclaves, s'il en veut tirer des services. » Il parlait ainsi, et, dans le fond de son cœur, il était occupé du sort de la reine de Babylone.


Voltaire,
Zadig


Questions

1. Pour chaque groupe souligné, situez le fait qu’il exprime et le fait ou l’action qu’il complète sur l’axe du déroulement chronologique. Que constatez-vous
?

2. Quels groupes peuvent être déplacés dans la phrase
? Quels groupes ne le peuvent pas?

3.Classez les groupes selon leur nature (groupe nominal ou proposition subordonnée) et selon leur mot introducteur.

4. Les groupes soulignés peuvent-ils tous être transformés en groupe introduit par “parce que”, sans changer le sens de la phrase
? Justifiez votre réponse.


Leçon


1. Définition

La
cause est à l’origine d’un fait.
Elle représente un événement qui joue le rôle de
déclencheur d’un autre événement, appelé fait essentiel.

Les deux faits — fait essentiel et cause — peuvent être présentés dans l’ordre chronologique de leur déroulement
:


Attention: ne confondez pas!

1. Repérez d’abord la chronologie des faits
: lequel se produit avant l’autre?

2. Ne faites pas l’erreur d’oublier une étape dans l’expression des rapports logiques
:





2. L’expression de la cause

Elle peut être plus ou moins explicite, selon que l’on emploie ou non des lieux grammaticaux, comme la conjonction de coordination, de subordination, ou une préposition, ou implicite, quand le lien logique n’apparaît dans aucun mot grammatical, mais est simplement suggérée par le rapprochement de deux faits.

La cause explicite s’exprime par
:

— la locution conjonctive de subordination: parce que.
C’est le moyen privilégié pour introduire une simple explication. Elle répond à la question
: « Pourquoi? »
Ex.
: Nous avons déménagé parce que notre appartement était trop petit.

— la conjonction de coordination: car

Car apporte une cause bien affirmée: l’ensemble de l’énoncé est catégorique. Car est le connecteur logique privilégié dans l’argumentation.

Lorsqu’on veut justifier, prouver avec une certaine véhémence, donner plus de poids à la cause, on emploie la conjonction de coordination
car plutôt que la conjonction de subordination: parce que.

Ex.: Les employés du musée sont en grève car les moyens mis à leur disposition sont insuffisants.

- les groupes nominaux introduits par des prépositions
— avec, à, de, pour, par:
Ex.: Avec un tel professeur, elle va progresser dans l’étude du violoncelle.
Je l’ai reconnu
à sa voix. Elle meurt de soif.
La vieille dame a été décorée de la Légion d’honneur
pour faits de résistance.
Ils se sont mariés
par amour.


Remarque:

Le français utilise
pour le plus souvent pour introduire le but, mais parfois aussi la cause, alors que l’espagnol distingue por (cause) et para (but). Il faut, en français, avoir recours à la chronologie des faits pour les distinguer.

à cause de, en raison de, étant donné (cause neutre ou négative), grâce à (cause positive), faute de (cause négative):
Ex.
: Les jeunes sont inquiets à cause du chômage. Les jeunes réussissent grâce à leur ténacité.

à la suite de, par suite de, des suites de… (cause qui insiste sur la succession temporelle):
Ex.
: Pauline a été félicitée à la suite de son exposé.

sous la pression de, l’influence de, la dépendance de:
Ex.
: Le projet de loi a été modifié sous la pression des syndicats.

Dans certains cas, la cause n’est pas exprimée de manière explicite, mais on la laisse deviner en rappprochant deux faits
:
— par deux propositions juxtaposées
:
Ex.
: Estelle a pris peur: on a sonné à sa porte à deux heures du matin.

— par une proposition subordonnée relative:
Ex.
: Je me souviendrai longtemps de ce roman qui est très émouvant.

— par un participe présent ou passé
:
Ex.
: L’orage menaçant, Hélène a rentré le parasol.
Épuisé, il s’est endormi sur son bureau.

— par un gérondif:
Ex.
: En marchant vite, nous arriverons avant la fermeture des bureaux.

par un complément déterminatif à valeur de cause:
Ex.: Il est épuisé par de longues nuits de veille

(N.B.
: « par » + nom non animé exprime la cause; « par » + nom animé exprime l’agent)


3. Nuances de sens

Certaines marques d’expression de la cause apportent des nuances
:

A. insistance sur la cause: en tête de phrase

comme (+ indicatif)
Ex.
: Comme les fleurs sont périssables, je vous ai apporté des bonbons.

étant donné que, vu que (+ indicatif) dans les textes explicatifs, les énoncés de mathématiques
Ex.
: Étant donné que je faisais quelques courses dans le quartier, je suis venu vous apporter des bonbons.

attendu que (+ indicatif) dans le langage juridique et administratif
Ex.
: Attendu que le prévenu est un récidiviste, le tribunal le condamne à un mois de prison ferme.

un adverbe de coordination: en effet, tant. En effet (+ indicatif) produit un résultat argumentatif
Ex.
: Djamel est d’une grande générosité. En effet, il a fondé, dans le quartier, une association d’aide au travail scolaire.
Les géophysiciens sont enthousiastes,
tant cette découverte est remarquable.


B. pour introduire une cause refusée par l’émetteur:

Lorsque la cause est contestée ou refusée parce qu’elle ne correspond pas à la réalité, on emploie
sous prétexte de, sous prétexte que ou un adverbe de négation + « que »: non que, non pas que, non parce que, ce n’est pas que, souvent suivi d’une phrase en corrélation: mais parce que, mais sous prétexte que,…

Ex.: Anne était absente jeudi sous prétexte que les trains ne roulaient pas.
La dernière version filmique des
Misérables est ratée non parce qu’elle est infidèle, mais parce qu’elle manque de folie et de démesure.


Remarque

L’emploi des modes

Dans les subordonnées de cause, on emploie:
• le mode indicatif lorsque la cause est considérée comme réelle
:
Ex.
: Puisque la neige est tombée avant Noël, les stations de ski sont ouvertes.

• le mode subjonctif
— lorsqu’une première cause est rejetée au profit d’une autre, avec les locutions négatives
non que, non pas que, ce n’est pas que;
Ex.
: Les guides de haute montagne prennent des précautions, non pas qu’ils veuillent éviter tout risque, mais parce qu’ils ont souci de la vie de leurs clients.


4. L’expression de la cause dans les textes

dans les textes explicatifs

Dans les manuels, les encyclopédies, les articles de presse scientifiques, économiques ou politiques, on exprime la cause par des titres, des sous-titres, des intertitres (Ex.
: « Causes de la crise de 1929 ») et par le vocabulaire, en particulier les verbes: apporter, causer, déclencher, engendrer, entraîner, impliquer, occasionner, porter à, porter un coup, provoquer.
C’est le sujet de ces verbes qui indique la cause.


dans l’argumentation

Les textes argumentatifs contiennent des mots qui soulignent particulièrement les articulations logiques.

Ces mots expriment des rapports de cause ou d’autres rapports logiques. On les appelle des
organisateurs ou des connecteurs.

Les termes de
connecteur ou d’organisateur ne désignent pas une catégorie grammaticale, comme « nom », « verbe », « adverbe », « pronom », qui occupent une fonction dans le cadre de la phrase. Ils désignent une fonction dans le discours. Ils établissent, entre les énoncés d’un texte argumentatif, des rapports qui ne relèvent pas de la syntaxe, mais de l’organisation générale de ce texte.

Dans un texte argumentatif et identifié comme tel, car en tête d’une affirmation désigne celle-ci comme étant un argument, c’est-à-dire un élément dont le rôle est de justifier une conclusion.


Pour l’expression écrite:

Dans la majorité des cas, puisque n’est pas substituable à car et à parce que.

Puisque introduit, non pas une cause, mais une justification, c’est-à-dire un argument considéré comme admis de tous, et destiné à justifier une conclusion.

Puisque + subordonnée précède le plus souvent la principale et se place en tête de phrase, ce qui n’est pas possible avec car.
Ex.
: Puisque tu es si savant, conjugue-moi le verbe « résoudre » à l’imparfait du subjonctif.


Résumé

La cause représente un événement qui est à l’origine d’un autre événement, appelé fait principal, et qui le déclenche.

La cause peut être explicite, quand elle exprimée par un moyen grammatical, ou implicite, quand le rapport logique est suggéré par le rapprochement de deux faits.

Les moyens d’exprimer la cause sont syntaxiques (conjonction de subordination
parce que et de coordination car) et lexicaux (groupes nominaux prépositionnels, verbes).

Dans une argumentation,
car est un mot organisateur qui signale l’affirmation qu’il introduit comme un argument. Puisque introduit une justification et peut se placer en tête de phrase.


Leçon publiée dans Grammaire et Expression 3e, éditions Nathan.
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